Après ses études, le jeune libéral n’a souvent qu’une idée en tête : commencer à exercer la profession pour laquelle il a passé de nombreuses années à se préparer. Beaucoup considèrent même que se prémunir contre différents ennuis de santé est malsain et appelle le malheur. Cependant, force est de constater que les accidents ou certaines maladies n’arrivent pas qu’aux autres et ont de graves répercussions sur le revenu. La prévoyance peut-elle donc résoudre ce problème et nous permettre d’exercer plus sereinement ?
Définition de la prévoyance
La prévoyance est le secteur de l’assurance dont la raison d’être est d’assurer une aide financière sous forme de capital ou de rente lors de l’accomplissement d’un risque par accident, maladie ou décès, risque qui empêcherait l’assuré d’exercer sa profession soit temporairement, soit définitivement. Ce risque doit être prévu, circonstancié et accepté par l’assureur par un contrat écrit et moyennant une cotisation de la part de l’assuré. Plusieurs points sont à préciser :
- L’accomplissement d’un risque: la chute à vélo ou dans les escaliers, l’accident de voiture, la maladie plus ou moins grave, depuis la simple grippe jusqu’au cancer ou le burn-out, tous ces évènements sont à ranger dans le domaine des risques et non des certitudes. Si jamais l’évènement est prévisible et doit donc survenir d’une manière certaine, l’évènement n’est pas assurable car il n’y a pas matière à une évaluation d’un risque. Seule exception : le décès mais, bien que la mort soit une certitude pour chacun de nous, c’est la date de cette mort qui devient le facteur « risque ». Il faut préciser également que les risques peuvent être plus ou moins grands suivant la profession de l’assuré, son environnement et les sports pratiqués.
- L’objectif de la prévoyance: c’est une aide financière en dédommagement d’une perte de revenus qui dépend essentiellement d’un ennui de santé.
- Question : peut-on augmenter à volonté cette aide financière en augmentant simplement la cotisation ?
- Non, car Il s’agit de cette notion « d’indemnité », c’est-à-dire d’undédommagement suite à une chute de revenus subie par un professionnel en exercice (décès mis à part). Conséquence, on ne peut pas s’assurer pour « une chute de revenus » si on n’exerce pas une profession rémunérée, ni pour des revenus supérieurs à ses revenus nets précédents.
À noter, cependant, qu’il est possible de combler (en partie) la différence entre les revenus brut précédents et les revenus nets par la garantie « frais professionnels » puisque certaines professions doivent faire face à des frais professionnels même en arrêt de travail temporaire et en invalidité partielle. En ce qui concerne le décès, c’est souvent la garantie qui sert « de base » aux deux précédentes ; cependant, elle peut être souscrite seule, notamment en ce qui concerne le conjoint d’un professionnel déjà assuré. Le champ d’action de la garantie doit être précisée avec soins car n’importe quel arrêt de travail ou décès n’est pas forcément garanti (réf. la rubrique plus bas).
- Condition fondamentale pour déclencher la garantie: la chute de revenus exigée doit dépendre d’un ennui de santé provoquée par un accident ou une maladie et non par convenance personnelle ou vacances. Cette condition est très importante et pas toujours assimilée par certains assurés qui prennent cette assurance pour une « tous risques ». De plus, certaines sociétés, pour attirer le client, rivalisent de garanties annexes qui ne dépendent pas d’un accident ou d’une maladie déclarée. Conséquence, ce type de garanties annexes prête le flanc à des déclarations de sinistres à répétition aboutissant inéluctablement à des augmentations de cotisations dont tous les assurés vont pâtir.
Le contrat de prévoyance : Un contrat précis
Un contrat doit être établi entre deux parties ; l’assureur et l’entité juridique responsable du contrat appelée « contractante ». Les assurés, eux, ne font qu’adhérer à ce contrat. Ce contrat devra préciser à quelle catégorie professionnelle il s’adresse, le pays où il s’exerce et ce qui est garanti et ce qui ne l’est pas, les limites et conditions d’exercice et les exclusions en caractères gras. Ainsi, le suicide est exclu la 1ère année d’adhésion, les conséquences de la guerre civile et étrangère, l’utilisation de certains moyens de déplacement et, bien sûr, de nombreux sports extrêmes procurant des sensations fortes mais aux accidents mortels trop fréquents. Il se peut également que l’assureur accepte la garantie moyennant une surprime. Par contre, on rencontre quelquefois des limites et exclusions qui ne paraissent pas normales et qui peuvent devenir un véritable piège pour l’assuré notamment en ce qui concerne une maladie de plus en plus fréquente. Une cotisation est demandée par l’assureur à l’assuré et celui-ci ne peut s’y soustraire sous peine de déchéance du contrat.
Permettre l’évaluation du risque : formalités à l’adhésion
Le professionnel libéral qui veut se protéger d’un éventuel accident ou d’une éventuelle maladie doit apporter à l’assureur tous les renseignements nécessaires pour qu’il puisse se faire une idée exacte des risques encourus. Aussi, la plus grande loyauté lui est demandée à l’adhésion en signalant, par écrit, tout ce qui peut influencer le jugement de l’assureur et de son service médical en ce qui concerne son acceptation ou son refus à l’assurance. En effet, il arrive quelquefois que des personnes, souffrant de certains symptômes, les dissimulent à l’adhésion et, 6 mois ou 1 an après, déclarent cette maladie à l’assurance. A l’évidence, il y a « fausse déclaration » et l’adhésion est nulle.
La prévoyance pour les professionnels libéraux
Les arrêts de travail temporaires
Par accidents ou maladies acceptées par l’assureur, sous forme d’Indemnités Journalières versées mensuellement. En général, il faut être en arrêt total pour toucher les Indemnités Journalières à 100%. Cependant, certains contrats indemnisent également l’exercice partiel sans arrêt total précédent (ou seulement la reprise partielle) à partir d’une chute de revenus d’un tiers ou 50%.
Ces Indemnités Journalières sont modulables autour du 90e jour pour tenir compte :
- De la CPAM (la moitié du net) du 4eau 90e jour d’arrêt,
- De la prestation de certaines caisses obligatoires de retraite qui interviennent à partir du 91Ejour d’arrêt comme la CARMF pour les médecins, la CARCDSF pour les chirurgiens-dentistes et sage-femmes, la CAVEC pour les comptables, la CARPIMKO pour les paramédicaux et la CNBF pour les avocats.
À signaler certaines limites ou exclusions surprises nichées dans certains contrats, notamment à propos des burn-out.
L’invalidité définitive
Sous forme d’une Rente d’invalidité ou d’un capital, plus rarement. Dans ce secteur, chaque société de prévoyance a sa façon de définir le type d’invalidité qui déclenchera, ou non, la prestation promise et espérée par l’assuré. Or, il faut constater qu’il y a de multiples façons d’assurer cette garantie, la façon la meilleure pour l’assuré devenant celle qui coûte le plus cher aux sociétés de prévoyance vu le nombre d’années pendant lesquelles elles devront verser cette prestation.
Ainsi, il faut se poser deux questions :
- Quel est le type d’invalidité qui coûte le moins cher à l’assurance ?
- Réponse: l’invalidité qui demande à l’assuré d’être invalide à 100% non seulement pour sa profession mais aussi pour toutes les autres professions, ce qui est rare.
- Quelle est l’invalidité qui protège le mieux l’assuré et pour laquelle l’assureur intervient le plus fréquemment ?
- Réponse : l’invalidité pour laquelle l’assureur doit verser une rente totale dès 66% d’invalidité en rapport avec la seule professionde l’assuré et sans exiger l’arrêt total de son profession. En effet, si l’expertise demande 66% d’invalidité, c’est qu’il lui reste une capacité professionnelle théorique de 33% ? Pourquoi donc baisser la rente à 70% ? Autre avantage : une rente partielle dès 16% d’invalidité (ou 33% tout au moins) avec la formule « n/66 » et une exonération totale ou partielle des cotisations. Vous aurez alors la meilleure rente d’invalidité que nous connaissons,
Entre ces deux façons extrêmes de garantir l’invalidité, vous trouvez de multiples combinaisons mélangeant critères de la Sécurité Sociale, critères professionnels et critères fonctionnels avec les taux de 100%, 66%, 33% et possibilité ou non d’exercer encore temps soit peu. À signaler également un des pièges les plus étonnants qui réside dans l’introduction du fameux « tableau à double entrée ».
Le décès
Soit sous forme de capital décès versé au conjoint ou les ayants droit du défunt ; de plus, en cas de décès, il existe aussi des options de « rente-conjoint » et des « rentes éducation » pour les enfants, jusqu’à 21 ans ou 25 ans en cas d’études supérieures.
Garanties annexes pour le professionnel libéral
Le Capital « Perte de profession »
Ce capital vous est attribué si vous devenez invalide à 66% ou à 100% pour votre profession. À signaler que cette garantie fait inutilement double emploi avec la Rente d’invalidité qui, si elle a été souscrite avec tous les critères nécessaires se suffit à soi-même.
Capital PTIA (Perte totale et Irréversible d’Autonomie)
Ce n’est pas un 2e capital qui s’ajoute au capital-décès, c’est ce même capital-décès qui est versé à l’assuré lui-même en cas de PTIA à condition que le sinistre survienne avant 60 ans.
Rente conjoint et Rentes éducation
En cas de décès de l’assuré, celui-ci a pu prévoir le versement d’une Rente à son conjoint et à ses enfants à charge. Cependant, ce type de rentes parait plus onéreux que le principe du capital que l’on découpe en tranches soi-même. Enfin, il ne faut pas oublier que la majeure partie des caisses de retraite des professions libérales accorde une rente conjoint et des rentes éducation, même si elles ne sont pas élevées
Différences entre prévoyance et assurance
Il existe une différence fondamentale entre prévoyance et assurance. En effet, d’un côté, on assure la perte ou la détérioration d’un objet qu’il soit voiture, maison ou mobilier. De l’autre côté, il s’agit d’une personne humaine, corps et esprit et d’une compensation financière suite à l’impossibilité momentanée ou définitive d’exercer notre profession suite à un accident ou une maladie. À l’évidence, la prévoyance, ou assurance des personnes, est un domaine plus complexe et plus vaste que celui de l’assurance des objets inanimés sauf s’il s’agit de structures complexes ou de propriétés intellectuelles.
Les différents types de prévoyance
La prévoyance individuelle
Les garanties sont variées et chacun peut y trouver ce dont il a besoin :
- Les Indemnités Journalières, chargées de pallier la perte du revenu net causé par un arrêt de travail suite à un accident ou une maladie. À signaler que les Indemnités Journalières ne sont pas forcément réservées aux professions libérales mais aussi aux professions salariées puisque la Sécurité Sociale n’assure pas le maintien total du salaire en cas d’arrêt de travail,
- Les frais professionnelsliés à toutes les charges incompressibles, notamment du libéral (loyer, remboursements d’emprunts, salaires, frais familiaux),
- Les Rentes d’invaliditéqui doivent soutenir l’assuré en cas d’invalidité professionnelle, rente totale à partir de 66% d’invalidité et rente partielle à partir de 33%,
- Un capital en cas de décès: ce capital peut être versé à l’assuré lui-même en cas d’invalidité répondant à la définition de « Perte totale et Irréversible d’Autonomie », versement qui met fin à l’assurance décès,
- Une rente conjoint et une ou plusieurs rentes éducationpour les enfants à charge,
- Un capital en cas d’invalidité professionnelledéfinitive, à partir de 66% ou 100%,
- Les remboursements des frais médicaux et chirurgicauxoù lunettes et prothèses dentaires sont les remboursements qui coûtent le plus cher. À ce propos, attention à la formulation des termes employés car certaines sociétés d’assurances englobent quelquefois le remboursement du régime de base dans leur garantie, ce qui peut fausser la compréhension.
- Les assurances « dépendance »qui, moyennant un certain nombre d’années de cotisation avant la retraite, prennent en charge une partie des frais liés à la dépendance.
La prévoyance collective
Au sein de certaines entreprises ou d’hôpitaux, la prévoyance collective concerne soit le maintien d’un certain pourcentage du salaire en cas d’arrêt de travail, soit le remboursement d’une partie des frais restant à charge à l’assuré. Concernant les frais médicaux et chirurgicaux, la garantie collective est une garantie couramment appelée « mutuelle ».
En conclusion, les garanties de prévoyance sont variées et quelquefois très différentes d’un contrat à l’autre. Ainsi, au milieu de toutes les options qui peuvent vous être proposées, il faut ne pas perdre de vue que trois garanties réclament une attention particulière : les Indemnités Journalières, la Rente d’invalidité et le Capital-décès mais que la plus importante et la plus complexe reste la Rente d’invalidité professionnelle.
- Président de l’association BEAM Prévoyance
- 45 ans d’expertise en prévoyance du secteur médical
- Multiples articles techniques sur la prévoyance
- Conseil officiel de plusieurs syndicats médicaux